Alors que des milliers de couturières fabriquent en ce moment à la maison des masques pour toute la famille, que doit-on penser des recommandations nous rappelant qu'ils sont à jeter au bout de 5 lavages ? Faut-il suivre à la lettre ces consignes ?

Le masque va être obligatoire dans les transports et largement conseillé pour une partie des activités post confinement. Il fait désormais partie de notre vie. Laurence a eu comme un choc en ouvrant le paquet de sa petite commande sur Internet enfin livrée. Il faut dire qu'elle l'attendait depuis plusieurs jours : ce petit colis tant désiré contenait LE masque en tissu qu'elle a choisi avec précaution, comme une bague ou une robe. 

Son joli petit masque fabriqué par une PME française était bien enveloppé et accompagné d'une lettre mode d'emploi sur laquelle, horreur, il était indiqué : "A jeter au bout de 5 lavages !"

Beaucoup de clients risquent donc d'être décus.


Je n'avais pas prévu ça ! Pour moi, se le procurer voulait dire être tranquille pour un bout de temps. Si je dois le laver à chaque fois que je le porte, il va me faire moins d'une semaine !
 


C'est la réalité pour la plupart de nos masques "maison", aux tissus non reconnus par les autorités compétentes. Si le tissu n'est pas homologué, c'est à dire reconnu résistant à 5 ou 10 lavages ( l'Institut français du Textile et de l'Habillement le teste sur plusieurs cycles de lavage à 60 ° puis le fait sécher en machine), il n'y a aucune certitude sur sa "durée de vie".

Alors quoi penser ? Tous ces masques que l'on fabrique en ce moment à la maison ou qu'on achète à nos couturières sont-il tous à à mettre à la poubelle au bout de 5 lavages maxi? 

Eh bien oui, probablement. Mais il y a quand même deux ou trois choses à savoir pour gérer au mieux la situation. 

Il est de toute façon quasiment impossible pour le quidam, aujourd'hui, d'acheter une série de masques homologués catégorie 1 (avec pouvoir de filtration à 90 %) par l'IFTH  et la Direction Générale des  Armée . C'est une réalité.

En Normandie, par exemple, la Tricoterie Saint-James en fabrique plus de 1500 par jour mais ils sont destinés aux collectivités ou aux entreprises qui doivent reprendre le travail. Après le 11 mai, ils seront enfin disponibles au grand public en boutique mais le rush est attendu. Et il n'y en aura pas pour tout le monde.

Alors le masque maison est-il pour autant une solution de substitution ?

Les puristes vont vous dire qu'il est inutile sans homologation et le petit logo qui le prouve. Mais pas tout le monde. 
 

Un masque en tissu non homologué peut-il être malsain ? 


"Moi, je suis soulagé de voir que mes patients portent tous un masque en consultation", explique le docteur Arnaud Bequignon, ORL à la clinique du Parc. Il a repris ses rendez-vous en cabinet depuis quelques jours et c'est une bonne surprise pour ce spécialiste. "On peut me dire ce qu'on veut. Depuis le début, je dis qu'il faut se masquer. Regardez en Asie, dès qu'il y a un virus on sort le masque. C'est une bonne chose. Et oui, le masque en tissu, c'est mieux que rien." 

Chez les professionnels du tissu et de la couture, on est plus réservé. " Moi j'ai été très surpris de me voir refuser l'homologation à certains tissus que je pensais irréprochables", affirme Jean-Luc Hyver de la Tricoterie du Val de Saire

Je m'inquiète quand je vois tous ces gens faire la queue devant les magasins de tissus. Je me dis qu'ils ne savent même pas ce qu'ils achètent et qu'ils vont tomber de haut quand on va leur dire que tout est à jeter au bout de 5 lavages, même 2 parfois.  ( Jean-Luc Hyver, Tricoterie du Val de Saire) 


Est-ce que c'est grave de porter son masque après plus de cinq lavages ?


"Il faut savoir que ce n'est pas un problème de filtration mais de fibres qui se resserrent au point que votre tissu n'est plus imperméable, au bout d'un certain nombre de lavages. Il ne laisse plus passer l'air. Vous respirez alors votre gaz carbonique. C'est comme une voiture qui tourne dans le garage la porte fermée ! ", assure le spécialiste du textile, Jean-Luc Hyver. 


En effet, il est important que l'oxygène passe. On le comprend bien. Mais qu'est-ce que je risque pour ma santé si ce n'est plus cas?

"Vous ne tiendrez pas 2 minutes avec un masque pareil", affirme le Dr Arnaud Bequignon.



Ce que vous risquez? C'est de vous étouffer. Il n'y a rien de dangereux à respirer son propre rejet. En revanche, en ressentant l'étouffement, vous allez arracher le masque et respirer un bon bol d'air !(Arnaud Béquignon, ORL à Caen)


Le spécialiste des voies respiratoires nous assure qu'il n'y a pas d'autres contres-indications médicales. "Votre masque sera juste devenu insupportable à porter et de vous même vous aurez compris qu'il est bon à jeter."

Si vous ressentez ce manque d'air, ne pas hésiter, donc, à le glisser dans un sac platique puis dans une poubelle. Le masque est en fin de vie. 

"Pour certains tissus, c'est au bout de deux lavages. Les tests l'ont montré", raconte Jean-Luc Hyver. Avant de préciser,  "en revanche d'autres en supportent 30, avec certaines normes de couture et un choix d'élastique de qualité. Ceci expliquera bientôt les différences de prix. " 

En effet les prix des masques en tissu vendus au grand public iront probablement de 5 à 15 euros. On comprend mieux pourquoi.
 

Comment aller au-delà de cinq lavages ?


"Ce n'est pas la peine d'aller tenter le diable. Dès que vous sentez que vous ne pouvez plus respirer normalement, que c'est insupportable, ne résistez pas. Le masque doit être jeté. Et c'est pour ça qu'il faut faire des réserves. Il vous faut plusieurs masques d'avance pour chaque personne du foyer", précise le docteur Arnaud Béquignon.


Nous sommes donc notre propre baromètre : de nous même, nous sentirons que le masque est en fin de vie. Après deux ou cinq lavages ou dix à vous de "sentir" l'état de votre tissu, sa perméabilité. 

 

Un accessoire de "sécurité" à prévoir en quantité

J'ai acheté un masque par habitant, homologué pour 10 ou 20 lavages. Ce ne sera pas suffiant. Il va falloir que les gens s'en procurent par leurs propres moyens (Olivier Paz, maire de Merville-Franceville et président des maires du Calvados)


Il va falloir s'y faire, c'est un nouvel accessoire qui est entré dans votre maison et dans vos vies. C'est aussi un budget. Aucun d'entre nous ne l'avait imaginé avant, mais c'est devenu notre réalité.

On estime qu'il faut environ cinq à six masques d'avance par personne dans le foyer. Et c'est un minimum car il y a une autre vérité bonne à connaître : un masque en tissu, au bout de quatre heures sur votre bouche, est devenu trop humide et il faut le changer. Sur une journée entière de travail, il vous en faudra, donc, deux par jour. 

Un petit calcul qui nous permet de passer très vite à une moyenne de 10 masques par personne. Car ne pas oublier le principal : il doit être lavé à 60° et séché en machine. 
 
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